Madame des arts

Texte de Christiane Laforge

lu à la présentation de Pierrette Gaudreault,

au Gala de l'Ordre du Bleuet, le 19 juin 2010


Affectueusement surnommée Madame des arts par les élèves qui fréquentaient sa résidence, Pierrette Gaudreault, née Lamontagne à Saint-Prime, a ouvert son cœur grand comme sa maison pour permettre aux enfants de Jonquière d’accéder à la connaissance des arts. Elle ignore les objecteurs de conscience qui considèrent alors que la danse et le théâtre sont peu compatibles avec la morale.


La petite orpheline de six ans, compense l’absence paternelle par la présence d’un oncle, Jean-Gérard Lamontagne, journaliste au Progrès du Saguenay, où, oh! Bonheur! une librairie occupe le premier étage . De quoi ravir une enfant avide de lecture où elle va puiser les nombreuses raisons d’aimer les arts. Bachelière en piano, elle unit sa destinée à Lorenzo Gaudreault, celui qui dans l’ombre lui donnera la liberté d’aller au bout de ses convictions. Mère de cinq enfants, Pierrette Gaudreault n’a de cesse de leur offrir une formation en art, ballet, musique, diction, cours pour lesquels il y a peu d’enseignants et toujours trop éloignés de la maison.


Membre de la société des concerts, Pierrette refuse de croire à l’absence d’intérêt d’une population de travailleurs à l’égard des arts, convaincue au contraire que c’est en formant la jeunesse que se construit l’avenir. Pierrette ne se laisse pas non plus rebuter par l’absence de locaux et transforme sa résidence en lieu de formation artistique. L’institut des Beaux-Arts y ouvre ses portes en 1959. Y enseignent la danse les Simone Murray-Boivin et Suzanne Maltais, les arts plastiques : les Jolois, Landry et Grenier, la musique les François Brassard, Jean Cousineau, et Jean-Eudes Vaillancourt, le chant : les Raoul Jobin et Jean Manny.


Madame des arts la bien nommée, fondatrice de l’Institut des arts au Saguenay, a été à l’origine du Camp musical du Lac-Saint-Jean.


«Que l’on se souvienne, écrivais-je dans un éditorial du Progrès-Dimanche. À Jonquière, une personne convaincue, dynamique et volontaire a ouvert sa maison pour y accueillir les jeunes et réunir des professionnels capables de leur apprendre la musique et la peinture. Pierrette Gaudreault. Une personne. Un catalyseur d’énergie voué au développement artistique. Ce n’est que beaucoup plus tard que ces jeunes devenus grands ont mis en œuvre les moyens de construire le Centre culturel du Mont-Jacob et, au centenaire de la Confédération, le Centre national d’exposition.»


Le Centre culturel du Mont-Jacob, érigé en 1967 est la retombée la plus significative de l’engagement de Pierrette Gaudreault. Un monument à sa mémoire


Le 19 juin 2010

À titre posthume

Pierrette Gaudreault

Instigatrice et Visionnaire incomparable pour les arts

fut reçue membre de L’Ordre du Bleuet

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jeudi 17 juin 2010

Qui est Pierrette Gaudreault


Buste sculpté par Jérémie Giles
Initiative de l'Institut des arts du Saguenay
Pour le 50e du Centre culturel de Jonquière
Pierrette Gaudreault
1922-2007

En guise de présentation
Un reportage de Denise Pelletier

Progrès-dimanche
Arts et société, dimanche, 6 juin 1999, p. B1
Pierrette Lamontagne porte bien le surnom de Madame des arts
Pelletier, Denise

Jonquière - Hier soir, le camp Musical du Lac-Saint-Jean lui rendait hommage, car elle a présidé à sa fondation, il y a 36 ans. C'est là une des tâches culturelles importantes accomplies par Pierrette Lamontagne-Gaudreault, mais ce n'est pas la seule, loin de là.

Nous avons rencontré chez elle, à Jonquière, celle que l'on a longtemps appelée Madame des arts, et qui fut non seulement la fondatrice, mais l'âme véritable de l'Institut des arts au Saguenay, lequel fêtera son quarantième anniversaire en l'an 2000. Aujourd'hui, à 77 ans, Pierrette Lamontagne est encore très active : elle voyage, va aux concerts et aux expositions, elle lit beaucoup. Et elle est intarissable quand on lui demande de raconter ses souvenirs.

Parmi ceux-ci, il y en a un qui fut peut-être à l'origine de son amour pour les arts et des engagements qu'elle a pris dans ce domaine. C'est quand elle chantait à la grand-messe, avec le chœur de la cathédrale, à l'âge de huit ans.

«Nous étions dans le jubé, c'était tellement haut que je me disais qu'en levant le bras, je pourrais peut-être toucher le ciel», dit-elle encore tout émue en évoquant la beauté de l'église et celle de la musique.

Il faut dire qu'à cette époque, cette native de Saint-Prime habitait Chicoutimi, dans un logement près de la cathédrale, avec sa grand-mère et son oncle, qui n'était autre que Jean-Gérard Lamontagne, alors journaliste au Progrès du Saguenay. Bien entendu, elle accompagnait celui-ci partout, y compris à son lieu de travail, où Roland Saucier était également journaliste.

«J'avais des cheveux blonds comme des fils d'or, et je portais des lunettes: comme j'étais toujours rendue là, les gens m'appelaient la petite fille du Progrès du Saguenay».

C'est là qu'elle s'est initiée à la lecture, non seulement des journaux, mais aussi des livres, car la bâtisse de la rue Labrecque abritait une librairie au premier étage, où la jeune Pierrette se rendait souvent pour aider à déballer les caisses de livres: elle emportait chez elle et lisait tous ceux qui pouvaient convenir à une enfant de son
âge.

Puis elle a étudié au Collège du Bon Pasteur, où son fait d'armes le plus remarquable fut d'avoir remporté un concours de composition lancé par Mgr Victor Tremblay. Les élèves du Séminaire, peu habitués à être dépassés par une fille, ne l'ont tout simplement pas pris!

«Les professeurs me conseillaient de ne pas sortir à l'extérieur du pensionnat car ils pensaient que les séminaristes allaient me faire un mauvais parti !»

Vers l'âge de 12 ans, Pierrette Lamontagne est allée vivre à Jonquière, où elle avait passé sa petite enfance jusqu'à la mort de son père, avec sa mère qui s'était remariée. Elle a poursuivi ses études classiques, et aussi ses études de piano. Puis elle s'est mariée avec Lorenzo Gaudreault, ils se sont installés dans une maison, rue Saint-François, où cinq enfants sont nés.

Alors Pierrette Lamontagne s'est rendu compte que, dans le domaine des arts, Jonquière était très défavorisé par rapport à Chicoutimi. Il y avait bien un «Conseil des arts» qui animait concerts et expositions, mais rien ou presque pour les jeunes qui voulaient s'initier à diverses disciplines. Alors elle a eu l'idée de fonder une école, elle a commencé à édifier le projet, mais elle ne trouvait pas de locaux. Une seule solution : sa propre maison. Appuyée par son mari, elle a transformé le salon double en studios de musique et est allée chercher l'appui de personnes importantes, et notamment du musicien François-Joseph Brassard, et l'école fut officiellement ouverte en 1960. Et les élèves sont venus, attirés par la réputation des professeurs que Madame Gaudreault avait recrutés, comme Raoul Jobin, Jean Cousineau, Jean-Eudes Vaillancourt.

Elle se souvient avec plaisir de cette époque où les élèves venaient de partout, il y avait même des religieuses du Bon Conseil de Chicoutimi,
et des Ursulines de Roberval qui venaient en autobus pour suivre des cours. Souvent, le midi ou le soir, après avoir donné à manger à sa propre famille, elle offrait le repas à ces étudiants affamés.

Mais la maison devenait trop petite pour contenir l'école qui prenait de l'expansion, et la commission scolaire de Jonquière a accepté de loger l'Institut des Arts au Saguenay dans ses écoles, comme Trefflé-Gauthier ou Maria-Chapdelaine. Une époque pas toujours facile, car concierges et professeurs n'étaient pas habitués à ce qu'il y ait des activités le soir dans l'école. D'ailleurs elle sentait l'hostilité de certaines communautés religieuses, qui considéraient l'enseignement de la musique comme leur chasse gardée, et qui trouvaient les autres arts, comme le théâtre ou la danse, peu compatibles avec la morale catholique.

Un jour, dans une de ces écoles, alors qu'un groupe d'élèves sortait d'un cours, Pierrette Gaudreault se trouva face à face avec un prêtre que, dit-elle, les religieuses avaient «monté» contre elle. Il lui a dit pis que pendre, notamment qu'elle irait en enfer et qu'elle allait entraîner avec elle des centaines de personnes ! Une des élèves perdit connaissance, tandis qu'une autre alla raconter l'incident à ses parents : il fallut une réunion d'urgence où des représentants de la commission scolaire mirent les choses au point avec la supérieure régionale des soeurs du Bon Pasteur pour calmer l'orage.

Puis en 1967, ce fut l'ouverture du Centre culturel de Jonquière, un projet auquel Pierrette Gaudreault avait bien entendu travaillé avec un groupe de personnes. Le lieu bourdonnait d'activité : cours dans toutes les disciplines, concerts, expositions, fêtes culturelles en tous genres: plusieurs personnes se souviennent encore du mai artistique, que Pierrette Gaudreault organisait chaque année. Celle-ci passait ses journées au Centre culturel, attentive aux besoins des enfants et des adultes qui suivaient des cours de musique, de peinture, de ballet, de théâtre.

Après quelques années, des critiques ont commencé à se faire entendre, notamment sur son style de gestion et sur l'accessibilité du centre culturel, que l'on disait réservé à une élite. Des gens de tous horizons intervenaient: le projet n'appartenait plus à Pierrette Lamontagne, qui fut même confinée à des tâches d'accueil et de coordination des cours. Ce qui l'a profondément blessée, comme c'est relaté dans le livre «Madame des Arts», publié aux éditions JCL en 1981.

Elle avait aussi des problèmes de santé, et sachant qu'elle devait subir une opération, elle a préparé la deuxième session de l'année 1972. «Puis j'ai rassemblé mes papiers importants, et je suis allée les remettre au directeur de l'hôtel de ville, en lui disant qu'il devait les garder parce que je partais. Il m'a demandé quand je reviendrais et je lui ai dit que je ne le savais pas», dit-elle.

Et bien que ce départ ait représenté un déchirement, Pierrette Lamontagne considère aujourd'hui que ce fut une bonne chose pour sa vie personnelle. Cela lui a en effet permis de vivre très près de son mari, qui était gravement malade et qui devait mourir quelques années plus tard.

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